Arguments en faveur du Référendum d’Initiative Citoyenne

Pourquoi le RIC ?

Le RIC est le seul outil capable de garantir que les promesses des candidats élus seront tenues ou soumises à référendum par des citoyens les estimant bénéfiques. (Et le peuple devenu souverain tranchera au cas par cas.) Ainsi les citoyens ne seront plus bernés.

Chaque association ou collectif citoyen pourra alors tenter de faire donner force de loi à ses propositions ignorées jusque là par les élus.

Le RIC est également une arme de dissuasion massive. Les citoyens ne seraient pas obligés de faire appel au RIC en permanence, puisque sa simple existence dissuaderait les élus de voter des lois allant contre l’intérêt général.

Le RIC fait du peuple le législateur en dernier ressort. Avec le RIC en toutes matières des citoyens pourraient soumettre directement au peuple une procédure de convocation d’une Assemblée Constituante, d’autres pourraient proposer directement leurs modifications de la Constitution, etc.

Effets bénéfiques du RIC

Bénéfices pour les citoyens

💪 Donner aux citoyens la maîtrise de leur destin
Pour être véritablement en démocratie, les citoyens doivent pouvoir être à l’initiative des décisions importantes, plutôt qu’être seulement électeurs.

✍️ Faire des réformes pour le bien commun
Les citoyens sont mieux placés pour demander les réformes nécessaires. Ils savent où se situent leurs intérêts, puisqu’ils vivent les situations.

🍀 Favoriser l’égalité des chances
Le RIC nous donnera à tous les mêmes chances de nous faire entendre, sans avoir à bloquer le pays ou à causer des nuisances.

⚖️ Favoriser la stabilité juridique
L’alternance des majorités à chaque élection déstabilise les lois, alors qu’une décision des citoyens par RIC est plus légitime et donc durable.

Impacts sur les élus

✅ Garantir le respect des promesses
Les élus seront forcés de respecter leurs promesses électorales, car s’ils ne le font pas, nous lancerons un référendum pour le faire à leur place.

💰 Éviter la corruption
Nous pourrons empêcher l’État de vendre les biens publics, de dépenser l’argent public sous la pression des lobbys, ou de modifier la loi en leur faveur.

💸 Éviter le gaspillage d’argent public
Le RIC nous permettra de décider de ce qui est fait de nos impôts (trop souvent gaspillés) et de nous opposer aux projets jugés trop coûteux ou inutiles.

💬 Favoriser l’écoute et la concertation
Par sa simple existence, le RIC obligera le Pouvoir à décider avec les acteurs ignorés de la société, de peur d’être contredit par RIC.

Le RIC fait du peuple le législateur en dernier ressort

Avec le RIC en toutes matières des citoyens pourraient soumettre directement au peuple une procédure de convocation d’une Assemblée Constituante, d’autres pourraient proposer directement leurs modifications de la Constitution, etc.

Le RIC est très populaire…

Plus de 83 % des Français y sont favorables (Sondage IFOP d’avril 2017).

Réponses aux principaux arguments contre le RIC

Remarques préliminaires

  1. Le RIC est l’outil privilégié de la démocratie directe, qui se distingue de la démocratie représentative en ceci qu’il permet de voter directement les lois, au lieu de seulement désigner des représentants qui les voteront à notre place. Le RIC permet également de contrôler les actions des élus, par son déclenchement d’une part, mais également par sa simple existence, qui dissuade les élus d’aller à l’encontre de l’intérêt général de peur d’être sanctionnés par RIC. La combinaison des deux systèmes est appelée démocratie semi directe.
  2. Les avantages de la démocratie directe ne doivent pas être évalués par rapport à un idéal démocratique abstrait, mais par rapport au système purement représentatif tel qu’il existe dans la plupart des pays.
  3. Les arguments anti-RIC émanent principalement de ces « représentants » qui tiennent à conserver leur monopole sur la fabrication de la loi. Leur dénonciation de la démocratie directe peut la plupart du temps être utilisée contre la démocratie représentative, et de ce fait affaiblir leur propre légitimité. N’hésitez donc pas à utiliser le contre-argumentaire ci-dessous : que ceux qui osent s’attaquer au RIC se cassent les dents. 😉
  4. Les réponses ci-dessous ont été rédigées par les membres de l’association Article 3. Elles sont largement inspirées de l’ouvrage de Verhulst et Nijeboer : Démocratie directe – faits et arguments sur l’introduction de l’initiative et du référendum (pdf, pages 72 à 87) paru en 2007, en réactualisant et complétant certains points. Voici donc les 13 principales objections faites à tort à la démocratie directe et au RIC ainsi que leur antidote.

Réponses aux objections

OBJECTION N°1 : LE PEUPLE N’AURAIT PAS LES COMPÉTENCES NÉCESSAIRES POUR PRENDRE LES BONNES DÉCISIONS

Soyons sérieux : à partir du moment où on est démocrate, on pose le principe que le peuple (démos) est capable de décider. Si on avait exigé qu’il fasse d’abord la preuve de quelque compétence que ce soit, le suffrage universel n’aurait jamais été institué. Pourtant, cet argument bidon a encore été invoqué contre le droit de vote des femmes ou celui des minorités ethniques…

Il est encore moins pertinent dans le cas du référendum d’initiative citoyenne, car si les citoyens sont capables de choisir, lors d’une élection, le meilleur candidat ou la meilleure liste en fonction de programmes qui comportent des dizaines de sujets et qui sont différents d’un programme à l’autre, comment ne pourraient-ils pas prendre la bonne décision lors d’un vote référendaire où il s’agit simplement de se prononcer sur UNE question ? Si les citoyens sont incompétents, il faudrait en toute logique supprimer les élections et confier la gestion du pays à des « experts »…

Bien sûr, les citoyens ne peuvent pas, en général, étudier chaque dossier à fond et ont recours à des « raccourcis » d’information (recommandations de vote des partis, associations, syndicats, débats dans les médias…), mais les parlementaires en font tout autant. (Une enquête menée aux Pays-Bas a montré que les députés ne lisent qu’un quart des mémorandums qu’ils sont censés lire.)

En réalité, c’est en forgeant qu’on devient forgeron et on constate que c’est dans les cantons suisses, qui recourent le plus fréquemment à la démocratie directe, que les citoyens ont le plus de connaissances politiques. De même, les citoyens européens consultés par référendum sur les traités européens ont une meilleure connaissance des institutions européennes que ceux des pays qui sont passés par des votes de leurs parlements.

L’argument de l’incompétence ne tient pas parce-qu’en démocratie, les décisions prises sont davantage d’ordre moral (impliquant des jugements de valeur) que d’ordre technique. Chaque personne responsable est, par définition, capable de prendre une décision morale. Les « experts » peuvent éclairer le débat, mais en aucun cas être ceux qui le tranchent.

OBJECTION N°2 : LE PEUPLE N’AURAIT PAS ASSEZ DE SENS DES RESPONSABILITÉS

Les élus regrettent parfois d’avoir « manqué de pédagogie » au lendemain d’un vote où les citoyens auraient, selon eux, fait le mauvais choix. Dans cette vision des choses, le peuple est assimilé à un « enfant » uniquement mû par ce que Freud appelait le « principe de plaisir », par opposition au « principe de réalité » qui serait l’apanage de la classe politique.

Ainsi, donner plus de pouvoir aux citoyens en matière budgétaire conduirait à une situation inextricable où les gens voteraient à la fois pour baisser les impôts et augmenter les dépenses publiques. Cet argument est non seulement dégoulinant de mépris, mais en plus, il ne résiste pas à l’examen des faits.

En réalité, les citoyens sont plus responsables que les politiciens : des études de long terme menées en Allemagne et aux Etats-Unis indiquent que 2/3 des citoyens sont pour des budgets équilibrés. Donc les montagnes de dettes accumulées sont le résultat de politiques contraires à la volonté de la majorité. Dans les cantons suisses où il existe un référendum obligatoire sur les dépenses supérieures à une certaine somme (2,5 millions de Francs suisses en moyenne) on constate que la dépense publique est inférieure de 19% par rapport aux cantons qui en sont dépourvus. Aux Etats-Unis, la différence est de 4% dans les États où le RIC existe et même 7% quand le seuil de déclenchement est faible.

L’explication est simple : ce ne sont pas les politiciens mais les citoyens qui assument les conséquences des dérapages budgétaires. Les politiciens qui laissent filer les déficits le font généralement pour « acheter des voix » aux prochaines élections en évitant les mesures impopulaires, mais comme ce sont les citoyens qui paient finalement la note (sous forme de dégradation des services publics et d’augmentation des impôts) il est logique qu’ils puissent avoir aussi leur mot à dire sur les taxes, les impôts et la façon dont l’argent public est dépensé.

OBJECTION N°3 : LE RIC CONSTITUERAIT UNE MENACE POUR LES MINORITÉS

Encore un argument que l’on peut retourner contre le système représentatif : en 1933 en Allemagne, c’est un régime parlementaire qui a porté les nazis au pouvoir. À l’inverse, les pays dotés du RIC comme la Suisse ou le Liechtenstein n’ont jamais connu de telles dictatures…

Par minorités, on peut entendre « minorités ethniques » (noirs ou hispaniques aux États-Unis, personnes issues de l’immigration dans les pays européens) ou « minorités politiques » (opposants au parti au pouvoir).

En France la majorité UMP à l’Assemblée Nationale entre 2002 et 2007 n’a recueilli que 29% des suffrages des inscrits, et la majorité PS en 2012 a atteint 31,5% ce qui en fait des « majorités minoritaires ». Quant à l’opposition, elle est privée de tout pouvoir pendant 5 ans dans ce système purement représentatif. À l’inverse, avec la démocratie directe, on peut être minoritaire sur un sujet et se retrouver dans la majorité pour d’autres. Les frontières sont mouvantes, ce qui est la meilleure garantie de respect des minorités puisque ceux qui sont majoritaires entendent être respectés de la même façon quand ils ne le seront plus.

Quant aux minorités ethniques, elles sont au moins aussi favorables à la démocratie directe que les autres, voire davantage : d’après une étude menée au Texas en 1999, 72% des noirs et 86% des hispaniques étaient pour la démocratie directe (contre 69% des blancs). En 1997 en Californie, une large majorité (de 57 à 77%) s’est dégagée en faveur de la démocratie directe dans TOUS les groupes ethniques.

En Suisse sur 100 ans (1891 – 1996), 11 initiatives ont tenté de réduire les droits de minorités, elles ont TOUTES été rejetées.

Certains objecteront que la Suisse a cependant voté l’interdiction de la construction de nouveaux minarets en 2009 (lemonde.fr : Les Suisses votent massivement l’interdiction de nouveaux minarets) mais force est de constater que la religion musulmane y reste autorisée et que les pratiquants ne sont pas privés de lieux de culte. D’ailleurs en France, « démocratie » représentative, le voile intégral est également interdit dans l’espace public sans que la liberté religieuse ne soit remise en cause.

Plus récemment (9 juin 2013), il est vrai que les Suisses ont voté pour un durcissement du droit d’asile (lalsace.fr : Les Suisses approuvent le durcissement de la loi sur l’asile) mais on peut considérer cette mesure comme un alignement sur les conditions en vigueur dans les autres pays développés, car la situation de départ y était beaucoup plus favorable aux demandeurs d’asile.

L’attribution tardive (1971) du droit de vote aux femmes, en Suisse, est parfois invoquée comme argument contre la démocratie directe. Pourtant, il le fut par un référendum auquel seuls les hommes pouvaient prendre part.

C’est donc un argument qui ne tient pas : aux États-Unis, c’est la démocratie directe qui a permis aux femmes d’accéder au droit de vote dans plusieurs États de l’Ouest au début du XXe siècle (Colorado, Oregon, Arizona, Wyoming) avant qu’il ne soit généralisé et inscrit dans la Constitution fédérale en 1920.

Si la Suisse ne l’a accordé à ses citoyennes qu’en 1971, cela s’explique par la neutralité du pays qui n’a pas subi les traumatismes des deux guerres mondiales : celles-ci ont bouleversé les sociétés et accéléré l’évolution de la condition féminine (rôle des femmes dans l’industrie pour remplacer les hommes partis au front, puis dans la Résistance).

Le grand classique, la peine de mort :
À court d’arguments valables, les opposants au RIC tirent souvent leurs dernières cartouches en agitant l’épouvantail de la peine de mort, pour ébranler des défenseurs de la vraie démocratie généralement motivés par des idéaux humanistes. Le RIC devrait donc être rejeté parce qu’il pourrait être utilisé pour introduire (ou réintroduire) la peine de mort… Et on appelle en renfort des sondages du début des années 1980 pour prétendre que sans l’action déterminée de Robert Badinter, à contre-courant de l’opinion publique, la peine de mort n’aurait jamais été abolie.
Cependant, un sondage ne fait pas une élection et les exemples qui montrent le décalage entre les deux sont innombrables.
Ensuite, la Suisse et le Liechtenstein, qui pourraient introduire la peine de mort par RIC, ne l’ont jamais fait, bien au contraire : c’est par référendum que la peine de mort a été supprimée en Suisse, dès 1938 en temps de paix, puis de nouveau en 1992 en temps de guerre. En 2010 une initiative a bien été lancée en Suisse en vue rétablir la peine de mort pour sanctionner le viol suivi d’assassinat sur des enfants, et les signatures nécessaires ont été collectées, mais cela a suscité un tel tollé dans l’opinion publique que les initiateurs ont retiré eux-mêmes leur projet.
Aux Etats-Unis, il n’y a pas de corrélation entre les Etats qui disposent du RIC et ceux qui ont la peine de mort : c’est davantage une question de culture politique (la peine de mort est présente surtout dans les Etats du Sud et de l’Ouest, qu’ils aient le RIC ou pas, le RIC n’est donc pas l’élément déterminant). À noter cependant qu’en Oregon, c’est par RIC que la peine de mort a été abolie dès 1914, avant d’être rétablie en 1920 par un vote… du parlement ! Plus récemment, les électeurs du District de Columbia ont rejeté un projet d’établissement de la peine de mort par 67% des suffrages, malgré une campagne insistant sur la hausse vertigineuse de la criminalité dans la capitale fédérale (source : Le référendum, éd. Que sais-je ?, page 91)
Enfin, en France, vu les engagements européens signés après l’abolition de la peine de mort, il est impossible de la rétablir sans sortir au préalable de l’Union Européenne.
En tout cas, le caractère inacceptable de la peine de mort est posé comme une prémisse inviolable. Mais ce caractère inacceptable assumé n’est pas un élément donné : il doit émerger comme une valeur fondamentale d’un débat ouvert entre citoyens libres et égaux.

OBJECTION N°4 : LE RIC FAVORISERAIT L’INFLUENCE DES DÉMAGOGUES ET POPULISTES

En réalité, les démagogues et populistes ont bien plus d’opportunités dans le cadre d’un système purement représentatif, car ils peuvent récupérer un vote protestataire. Quand les citoyens sont ravalés au simple rang d’électeurs, réduits à une totale impuissance politique entre deux échéances électorales, et si par-dessus le marché ils s’aperçoivent que la même politique est mise en œuvre alors qu’ils ont mis d’autres personnes et d’autres partis aux commandes… Comment peuvent-ils exprimer leur mécontentement autrement qu’en donnant un coup de pied dans la fourmilière ?

À l’inverse, en démocratie directe, on est amené à se prononcer sur des questions concrètes et non à élire des personnes qui s’empresseront de renier leurs promesses électorales. Et il faut bien sûr distinguer le RIC des « référendums-plébiscites » par lesquels certains régimes autoritaires cherchent à légitimer leurs décisions : ces derniers sont à l’initiative du pouvoir, ce qui change tout ! 

(On entend souvent dire que le problème avec les référendums est que les gens répondent plus à celui qui pose la question qu’à la question posée. C’est vrai pour les plébiscites, mais en aucun cas pour le RIC puisque c’est le peuple qui s’interroge lui-même. En Suisse, les plébiscites sont même rigoureusement interdits.)

OBJECTION N°5 : LE POUVOIR DE L’ARGENT INFLUENCERAIT LES DÉCISIONS PRISES PAR RIC

Aux USA on dépense parfois beaucoup pour RIC mais c’est également le cas pour les campagnes électorales des partis, l’élection du président et pour le lobbying sur les élus et hauts fonctionnaires.

Le pouvoir de l’argent en démocratie directe est toujours moindre que dans un système représentatif car il faudrait acheter trop de monde et il serait impossible de le faire en toute discrétion. C’est pourquoi le RIC devrait être en tête des revendications d’Anticor, c’est le meilleur outil contre la corruption.

Les études menées en 1999 aux Etats-Unis par Elisabeth Gerber (sur 168 initiatives dans 8 États) montrent que les initiatives soutenues principalement par des citoyens individuels ont plus de chances d’être adoptées que celles soutenues principalement par des groupes d’intérêts socio-économiques.

En 1978 dans le Montana une initiative anti-nucléaire a eu un franc succès (65% des suffrages) avec des moyens financiers dérisoires (10 000 dollars, contre 2,6 millions pour les opposants). Dans la campagne, il a été dénoncé le fait que beaucoup d’argent ne venait pas du Montana, et que l’industrie du nucléaire en a fourni la majeure partie. Idem en Oregon en 1980. Et dans le récent référendum suisse sur l’interdiction des rémunérations abusives des patrons, les citoyens ont approuvé cette mesure à près de 68% alors que le patronat avait dépensé un million de Francs suisses pour les convaincre de la rejeter.

Les grands groupes sont hostiles à la démocratie directe, car le lobbying est d’autant plus efficace que le système est moins démocratique. Donc plus facile au niveau de l’UE qu’au niveau national, et plus efficace puisque les directives européennes s’imposent aux États membres…

Le problème de l’argent qui finance les campagnes médiatiques et vise à manipuler les électeurs n’est pas propre à la démocratie directe, c’est le problème du vote en lui-même. Ce problème est d’autant plus aigu que beaucoup de médias sont privatisés et que de manière générale ils sont très peu contrôlés. Le contrôle des médias est d’ailleurs probablement une des premières questions que les Français soumettraient par référendum s’ils le pouvaient. Jamais les élus portés au pouvoir par ces mêmes médias ne le feraient d’eux-mêmes.

Il faut donc trouver un juste milieu entre la liberté de la presse et le droit à l’information, et cela pourrait passer par des radios et télévisions publiques qui joueraient vraiment leur rôle d’information des citoyens. Une autre solution consisterait à plafonner ou réguler les dépenses des campagnes (qu’elles soient électorales ou référendaires).

OBJECTION N°6 : IL NE SERAIT PAS POSSIBLE D’AFFINER LA RÉPONSE OU D'AMENDER LES PROPOSITIONS

Les votes référendaires seraient trop simplistes avec leurs réponses binaires : « OUI » ou « NON ». Un peu comme le mariage, soit dit en passant, où d’aucuns préféreraient sans doute pouvoir dire « oui » au meilleur et « non » au pire…

Le système purement représentatif offre encore moins de nuances, puisqu’en votant pour le représentant de tel ou tel parti, on dit « oui » à tout le programme de ce parti. Si un parti ne peut participer à un gouvernement que dans le cadre d’une coalition, il arrive qu’il doive abandonner certains points de son programme (comme la sortie du nucléaire pour les Verts, alliés au PS en 2012) alors que ses députés ont quand-même été élus sur la base de ces promesses.

Un sondage Gallup qui interrogeait un millier d’électeurs américains fit apparaître un mélange d’opinions « conservatrices » et « progressistes » chez une majorité d’entre eux. (On trouverait probablement le même résultat en France, et c’est sans doute la raison pour laquelle 78% des Français souhaiteraient un gouvernement d’union nationale selon un sondage publié fin avril 2013).

Il y a aussi des propositions qui peuvent compter sur une majorité dans le public en général, mais qui ne rencontrent que très peu de sympathie dans la classe politique… (L’interdiction du cumul des mandats est probablement l’une d’elles.)

Les critiques de la démocratie directe mettent en avant la possibilité, au Parlement, de discuter des projets de lois et de proposer des amendements, mais ce n’est pas le cas pour toutes les lois : les traités européens, par exemple, ne peuvent être qu’acceptés ou rejetés. 

D’ailleurs, le vote oui/non/blanc n’est pas la seule possibilité pour un vote référendaire. En effet c’est ce qui se pratique dans la plupart des pays, mais il se trouve qu’en France de nombreuses associations militent pour des modes de scrutins plus nuancés, comme les votes préférentiels (classement, notation, vote à points, vote de valeur, jugement majoritaire, méthode de Condorcet ou encore méthode Borda). Une autre alternative aux réponses binaires « oui » ou « non » consiste à organiser des référendums à choix multiples. Ainsi, dans le canton de Berne, on a soumis aux électeurs cinq propositions différentes pour la réorganisation du système hospitalier cantonal.

Par ailleurs, les initiatives citoyennes passent aussi par une phase de discussion publique au moment d’élaborer le texte de leurs propositions, les modalités du RIC peuvent tout à fait être affinées pour permettre à l’intelligence collective de bonifier et nuancer les propositions, voire proposer des alternatives.

Enfin, les partis peuvent faire pression sur leurs élus afin qu’ils se plient à une discipline de vote (par exemple à l’automne 2012 lorsque le « pacte budgétaire » était à l’ordre du jour, ou encore en 2018 quand LREM a interdit à ses députés dans son règlement intérieur de voter en dehors de la ligne du parti), alors que s’ils pouvaient voter en suivant leurs consciences le résultat serait parfois surprenant…

Donc le système représentatif ne fait pas dans la dentelle non plus. 

Il est parfaitement possible d’introduire des possibilités d’amendements dans le RIC, et même d’y associer le débat parlementaire.

Tout d’abord, on peut – comme dans certains Länder allemands – lier droit de pétition et référendum. Le droit de pétition consiste à soumettre une proposition de loi au parlement (pour cela, il suffit en Allemagne de réunir sur une pétition les signatures de 0,2% des électeurs inscrits). Le Parlement l’accepte ou la rejette, en donnant ses raisons. En cas de rejet, l’initiative peut être soumise à référendum (il faut alors le soutien de 2% des inscrits), soit telle quelle, soit reformulée en tenant compte des commentaires des parlementaires.

Des options supplémentaires sont possibles : le parlement peut formuler une proposition alternative (cela existe en Suisse au niveau national), ce qui laisse le choix aux électeurs entre trois options : choisir l’initiative citoyenne, la contre-proposition parlementaire, ou le maintien du statu quo.

L’initiative peut alors être retirée, en faveur de la contre-proposition parlementaire, cela s’avère utile dans le cas où la contre-proposition reprend un grand nombre d’éléments de l’initiative citoyenne et où il existe un risque important que les deux propositions soient rejetées en faveur du Status quo.

En intégrant de la sorte droit de pétition et initiative citoyenne, on réconcilie les citoyens avec leurs élus car on fournit à la propositions d’initiative citoyenne l’occasion d’être améliorée à la lumière de la contribution parlementaire, et on crée un lien particulier entre l’initiative citoyenne et le parlement qui renforce la légitimité de ce dernier.

Certains reprochent au référendum de mélanger les sujets ou de donner des réponses qui n’ont rien à voir avec la question. Cela n’est pas possible en Suisse où la question doit être clairement formulée, et où le référendum n’est pas l’occasion de marquer son insatisfaction à l’égard de la politique gouvernementale car les référendums ne sont pas à l’initiative du gouvernement (ce sont soit des référendums obligatoires, soit des initiatives citoyennes). À l’inverse, dans les pays comme la France où existe le référendum-plébiscite, il est vrai que les électeurs répondent parfois moins à la question posée qu’à celui qui la pose…

OBJECTION N°7 : LE RIC INDUIRAIT DES CONFLITS ENTRE DÉMOCRATIE DIRECTE ET DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE

Prétendre que l’autorité du Parlement serait minée par les RIC et que la primauté de la politique serait menacée par les RIC, c’est faire comme si la démocratie représentative était l’essence même de la démocratie. Or c’est la souveraineté populaire qui fonde la démocratie. La démocratie représentative, basée sur l’élection est de fondation aristocratique. 

Un système purement représentatif ne serait démocratique qu’à la condition que les citoyens soient d’accord avec lui. Mais depuis les années 70 on observe qu’ils sont de plus en plus demandeurs d’un complément de démocratie directe.

Prétendre que la démocratie directe saperait l’autorité du Parlement est un non-sens : le Parlement n’est pas une fin en soi, il n’est qu’un moyen (indirect) de réaliser la démocratie, on ne peut donc pas exiger que la démocratie soit limitée par respect pour le Parlement.

Au contraire, un outil de démocratie directe comme le RIC renforcerait la légitimité du Parlement dans la mesure où, chaque fois qu’une loi du Parlement ne fait pas l’objet d’un référendum abrogatoire, cela exprimerait un soutien implicite des citoyens. L’épée de Damoclès du RIC oblige les parlementaires à une véritable concertation avec les citoyens, les syndicats et les acteurs de la société civile.

L’absurdité de l’argument qui consiste prétendre que la démocratie directe affaiblirait la légitimité du Parlement est confirmée par un sondage Gallup de 2002 (36000 personnes interrogées dans 47 pays), visant à évaluer la confiance des sondés en 17 institutions (armée, gouvernement, système éducatif, syndicats, médias, etc.). Il montre que 51 % des personnes interrogées ont peu ou pas confiance dans leur Parlement. Et le niveau le plus bas est atteint en Europe avec deux sondés sur trois qui pensent que leur pays n’est pas gouverné selon la volonté de la majorité.

Cependant, il ne faut pas surestimer l’impact direct du RIC dans les pays où il existe : en 1996, année phare de la démocratie directe aux Etats-Unis, 102 RIC ont eu lieu, contre 17.000 lois parlementaires. 99,9% des lois sont donc votées par les Parlements. Mais ce qui est intéressant, c’est l’effet INDIRECT du RIC : lorsqu’il existe, les parlementaires sont dans l’impossibilité d’imposer des mesures qui ne bénéficient d’aucun appui parmi les citoyens.

OBJECTION N°8 : LE RIC ENTRAÎNERAIT SURCHARGE ET LASSITUDE POUR VOTER

En Suisse, le taux de participation lors des élections se maintient depuis des décennies autour de 40%, et 50% lors des RIC. Ce sont des taux inférieurs à ceux des élections parlementaires en Allemagne (80%) ou des présidentielles en France (70 à 80%) que certains interprètent comme une « fatigue » due à des votations trop nombreuses. Cependant, toutes les études montrent que la grande majorité de ceux qui ne votent pas restent partisans de la démocratie directe, et que la principale raison de leur non-participation n’est pas liée à leur niveau de vie ou d’éducation, mais au fait qu’ils pensent ne pas avoir une connaissance suffisante de la question posée, ou qu’ils ne se sentent pas concernés par celle-ci. À l’inverse, on peut comprendre la forte participation aux élections parlementaires comme l’expression d’une frustration : quand on n’a son mot à dire que tous les 5 ans, on le fait avec empressement !

Une faible participation à des votes référendaires ne pose aucun problème si on se réfère au principe du mandat : ceux qui ne votent pas mandatent implicitement les votants pour prendre la décision à leur place. Il en va de même lorsqu’on choisit un député, qui propose et vote les lois à notre place, sauf que le mandat a dans ce cas une portée beaucoup plus vaste puisqu’il s’étend à TOUTES les lois qui seront votées pendant les 5 prochaines années, et non seulement à celles sur lesquelles on a décidé de s’abstenir, comme dans le cas d’un référendum.

Les citoyens sont seuls juges de leur compétence à prendre part à telle ou telle décision, c’est pourquoi il faut rejeter le vote obligatoire qui les priverait de cette liberté. 

S’il fallait évaluer la légitimité d’un vote au nombre de participants, l’exemple suivant mérite réflexion : il y a eu 40% de participation aux élections de députés européens en 2004, et 70% au référendum qui a rejeté le Traité Constitutionnel Européen en 2005…

Pour terminer, signalons qu’aux référendums abrogatifs italiens de juin 2011 (où des quorums participatifs de 50% étaient imposés), les Italiens se sont mobilisés à 55% et ont rejeté à 95% des suffrages exprimés la privatisation de l’eau, le retour à l’énergie nucléaire ainsi que l’immunité de Silvio Berlusconi…

OBJECTION N°9 : LA RÉDACTION DE LA QUESTION LORS D’UN RÉFÉRENDUM POURRAIT ÊTRE MANIPULÉE

La formulation de la question pourrait induire les gens en erreur et les amener à voter contre leur conviction. Ce problème se pose surtout dans le cas de plébiscites (c’est-à-dire de référendums à l’initiative du pouvoir en place) qui posent parfois plusieurs questions en une seule, car les politiciens ont une longue expérience dans la manipulation de leurs électeurs. Mais si on interdit – comme en Suisse – tout plébiscite (car le gouvernement et le parlement ont d’autres moyens d’action et n’ont pas besoin de recourir au référendum), laissant le référendum à la seule initiative des citoyens, cette situation n’a aucune raison de se présenter. On peut aussi exiger légalement que l’initiative ne porte que sur une seule question, comme c’est le cas en Suisse, où la chancellerie fédérale peut également rejeter une initiative citoyenne si sa formulation est clairement trompeuse.

En fait, il n’existe aucun exemple de référendum dans lequel les gens n’auraient pas compris la question et voté à l’envers. Par contre, c’est en votant pour les partis qu’on est dans le flou artistique, car on ne sait pas vraiment ce qui sera retenu du programme général et ce qui sera abandonné, notamment s’il s’agit de négocier avec d’autres partis pour former une coalition. Comparativement, c’est donc faire preuve de mauvaise foi que de mettre en avant une quelconque ambiguïté dans la rédaction de la question lors dans la prise de décision par RIC.

OBJECTION N°10 : LE RIC FAVORISERAIT LES CONSERVATISMES OU LES ACTIVISTES ENTHOUSIASTES

Selon certains la démocratie directe empêcherait des innovations essentielles d’être adoptées, car la majorité des gens en général tendraient à préserver le statu quo.

D’autres prétendent exactement le contraire : des activistes convaincus mettraient la main sur la démocratie car la « majorité silencieuse » ne sort généralement pas pour aller voter.

Reste à savoir ce qu’on considère comme des « innovations essentielles », c’est assez subjectif… Ce sont plutôt les politiciens qui résistent à la modernisation comme le démontrent leurs tergiversations et réticence à mettre en œuvre le RIC !

Le RIC est à la fois un frein et un accélérateur : il freine lorsqu’il est utilisé pour abroger des lois votées par le parlement, et accélère quand des initiatives citoyennes proposent de nouvelles lois que les parlementaires n’auraient pas eu idée de proposer. En Suisse ou en Californie, le référendum abrogatif est plutôt utilisé par les milieux conservateurs (=la droite) et la proposition d’initiative citoyenne plutôt par les milieux progressistes (=la gauche) mais avec des succès divers : dans les deux cas, à peine plus de 10% des initiatives citoyennes ont été approuvées par les électeurs, et les mesures obtenues sont à part pratiquement égale « de gauche » et « de droite ». Il est donc faux de prétendre que les activistes feraient main basse sur la démocratie directe, car les électeurs sont prudents : quand ils ne sont pas sûrs, ils votent plutôt contre.

À l’inverse, les minorités agissantes ont plus de chances de s’imposer avec la démocratie représentative car il y a moins de gens à convaincre. Par exemple les supra nationalistes européens qui ont fait passer le Traité de Lisbonne en 2008 puis le « pacte budgétaire » (TSCG) en 2012 grâce à des votes parlementaires, et malgré les « non » aux référendums français et néerlandais de 2005. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait déclaré qu’il fallait consulter les électeurs à chaque avancée de l’Europe afin de ne pas se couper du peuple.

OBJECTION N°11 : IL EXISTERAIT DE MEILLEURS INSTRUMENTS QUE LE RÉFÉRENDUM

Cet argument est utilisé par les tenants du système purement représentatif lorsqu’ils sont mis au pied du mur par des citoyens revendiquant une vraie démocratie : pour donner l’impression de ne pas être sourds à leurs attentes, ils suggèrent de « meilleurs » outils qui sont surtout moins menaçants pour eux.

Un politicien belge a ainsi proposé la « démocratie dialogique » qui se rapproche des « jurys citoyens » mis en avant par Ségolène Royal par exemple. Un groupe de citoyens est réuni par tirage au sort (ou en incluant aussi des volontaires), et reçoit des informations sur un thème imposé, ils  discutent entre eux guidés par un animateur, changent éventuellement d’avis, peuvent questionner des « experts » et à la fin prononcent un jugement et proposent des solutions. Mais la décision de les mettre en œuvre leur échappe. Les élus restent ainsi maîtres du jeu. De plus, les promoteurs de ce genre de procédé laissent entendre qu’avec le RIC, il n’y a pas de débat ni de formation sociale de l’opinion pouvant faire évoluer les positions, ce qui est faux ! Preuve en est le référendum de 2005 sur le TCE : les sondages sont partis de 60% de oui, pour arriver à 45% le jour du vote.

L’« enquête citoyenne » (appelée aussi « forum citoyen ») et la « prise de décision interactive » (appelée aussi processus décloisonné) sont d’autres instruments de la démocratie participative : un groupe déterminé de citoyen est régulièrement questionné sur toutes sortes de sujets, ou l’ensemble d’entre eux est appelé à se réunir pour résoudre des problèmes spécifiques identifiés par l’administration. Mais comme les initiatives sont prises par les autorités, l’implication des citoyens est beaucoup moins intense que lorsqu’ils ont eux-mêmes l’initiative. Le bénéfice d’un débat public qui est provoqué par un référendum, c’est que tous les citoyens sont confrontés à des arguments contradictoires sur une longue période de temps, ils ont donc l’occasion d’examiner le problème en profondeur et de se forger une opinion. D’ailleurs, l’aspiration des citoyens à la démocratie directe est croissante : aux Pays-Bas, en 1998, l’adhésion au RIC atteignait 80% contre 62 % en 1972. (En France, selon des études de 2000 à 2019, 82 à 88% des personnes interrogées sont favorables au RIC).

OBJECTION N°12 : LE RIC POURRAIT REPRÉSENTER UN DANGER POUR LE PAYS

Disons pour commencer que l’existence de l’État ne se justifie que par la démocratie : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se concrétise par l’existence d’États dans lesquels les peuples sont souverains. L’État est au service du peuple, et non l’inverse : ce sont les régimes totalitaires qui sacrifient leurs citoyens à l’État. L’État doit donc se conformer à la volonté populaire et si le peuple veut la démocratie directe, rien n’autorise l’État à la lui refuser !

Cet argument de mise en danger de l’État est souvent mentionné dans des pays comme la Belgique, où les votes peuvent différer selon les provinces. Ainsi, lors de la « controverse royale belge » sur le retour du Roi d’exil en 1950, Flandres et Wallonie ont donné des réponses divergentes.

En Suisse, il y a souvent des différences de vote entre cantons romands et alémaniques, plus nombreux, comme en 1992 sur l’entrée de la Suisse dans l’Espace Économique Européen, ou en 1997 sur la réduction des allocations chômage. Dans le premier cas, les germanophones l’ont emporté, et dans le second, ce furent les francophones, pourtant cela n’a pas occasionné de « tensions communautaires » et le pays est toujours là.

OBJECTION N°13 : LE « RÉFÉRENDUM D'INITIATIVE POPULAIRE » EXISTERAIT DÉJÀ EN FRANCE

Le référendum d’initiative populaire (ou citoyenne) est une procédure qui permet à une fraction du peuple de poser une question à l’ensemble des citoyens directement par référendum, donc sans passer par le Parlement. En Suisse, les citoyens qui souhaitent déclencher un référendum préparent une pétition et récoltent des signatures. Elles sont alors vérifiées : pas de doublon, pas de personnes non-inscrites sur les listes électorales. Puis, si le nombre requis de signatures est atteint, la question est soumise à l’ensemble des citoyens. La décision qui en résulte est alors contraignante : elle s’impose aux gouvernants, qui ne peuvent pas aller contre.

En France, le référendum d’initiative populaire n’existe pas. Ce que certains politiciens appellent abusivement « référendum d’initiative populaire » et que certains journalistes peu scrupuleux et parlementaires appellent mensongèrement « référendum d’initiative partagée » est en fait une pétition d’initiative parlementaire avec soutien populaire et référendum facultatif. Cette procédure complexe et inutile a été inscrite dans la Constitution en 2008 à la demande de Nicolas Sarkozy. Il restait à voter la loi organique nécessaire à son application, ce qui a été fait en décembre 2013 à la demande de François Hollande. Elle est entrée en vigueur le 1er février 2015, date à partir de laquelle elle peut être utilisé par les parlementaires.

Premièrement :
L’initiative est exclusivement parlementaire, seul le soutien (postérieur à l’initiative) est « populaire ». Le 3e alinéa de l’article 11 de la Constitution dispose qu’un référendum « peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. ». Il apparaît ainsi que les citoyens n’ont aucun rôle à jouer dans la préparation du texte à soumettre par référendum, alors que cela constitue l’essentiel de l’initiative. Leur rôle se limite à « soutenir » une proposition rédigée par 20% des parlementaires, c’est-à-dire à l’approuver en bloc sans pouvoir l’amender. C’est donc un contresens absolu que de prétendre que l’initiative est « populaire » ou « partagée ». Elle le serait si des citoyens pouvaient rédiger eux-mêmes le texte et la question, ce qui n’est pas du tout le cas.

Deuxièmement :
Ce référendum est facultatif, c’est-à-dire que la réussite de la période de soutien à l’initiative ne garantit en rien la tenue du référendum. Pour que celui-ci ait lieu, il faut que l’Assemblée nationale ou le Sénat refusent d’étudier le texte de la proposition de loi dans un délai de 6 mois (article 9 de la loi organique n°2013-1114 du 6 décembre 2013 : « Si la proposition de loi n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées parlementaires dans un délai de six mois […], le Président de la République la soumet au référendum. »). En pratique, il est probable que les parlementaires préfèreront toujours étudier la proposition (quitte à la rejeter ou à l’amender) plutôt que de la laisser aller jusqu’au référendum, car cela leur ferait perdre le monopole qu’ils ont l’habitude d’exercer sur l’élaboration de la loi. Sans compter que le Gouvernement est maître de l’ordre du jour des Assemblées, si elles ne la mettent pas à l’ordre du jour, c’est donc lui qui le fera.

Troisièmement :
Les conditions de mise en œuvre sont tellement restrictives qu’il est en pratique quasiment impossible d’utiliser cette procédure. Comme pour les autres référendums d’initiative parlementaire, le champ est limité à certains sujets : la proposition de loi doit porter au choix « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » (article 11 de la Constitution). De plus, comme pour les propositions de lois ordinaires, elle n’est pas recevable si son adoption « aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. » (article 40 de la Constitution). Enfin, elle « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an » (article 11 de la Constitution).

Notons enfin que cette procédure, lorsqu’elle est mise en œuvre, ne peut être utilisée pour destituer un acteur politique qui trahirait ses promesses (référendum révocatoire, déjà en place sous le nom de recall dans certains États fédérés américains). Il n’est pas non plus possible de poser autre chose que des questions fermées (auxquelles on ne peut répondre que par « oui » ou par « non ») : l’article L558-45 du code électoral, créé par l’article 5 de la loi n°2013-1116 du 6 décembre 2013 dispose qu’« Il est mis à la disposition des électeurs deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc dont l’un porte la réponse “oui” et l’autre la réponse “non”. ». Il existe pourtant des façons plus élaborées de recueillir des réponses plus précises comme les votes préférentiels (classement, notation, vote à points, vote de valeur, jugement majoritaire, méthode de Condorcet, méthode Borda ou encore le vote à choix multiples), qui permettent une expression plus fine de l’opinion des votants.

 Voir cette vidéo du Suisse Pierre-Alain Bruchez
(Docteur en sciences économiques de l’Université de Lausanne)

Les modalités du RIC 

L’outil du RIC n’existe pas en France. Il reste donc à imaginer. L’exemple de la procédure inscrite à l’alinéa 3 de l’article 11 de notre Constitution, mensongèrement nommée “référendum d’initiative partagée” par les élus et des journalistes, met bien en évidence l’importance des modalités dans une procédure. L’initiative y est exclusivement parlementaire et même si elle est soutenue par 10% des d’électeurs (4,7 millions en 2019 ce qui est assez élevé), le référendum n’est pas systématiquement organisé. Un simple examen en première lecture par les deux chambres écarte définitivement le recours au référendum. En changeant juste un mot, la procédure a été vidée de tout son sens. Le texte original disait que “si la proposition de loi n’a pas été adoptée par les deux chambres” il y a référendum. En remplaçant simplement “adopté” par “examiné”, la procédure est passée d’une procédure de contre-pouvoir réel à une simple demande d’examen. Bref, le diable se cache dans les détails et les modalités d’application ont donc une très grande importance.

Parmi les personnalités, collectifs et associations militant pour le RIC, on trouve des approches très différentes quant aux modalités. Certains proposent des modalités détaillées, clé en main, d’autres proposent simplement quelques modalités pour s’assurer que le RIC soit efficace et réellement déclenchable, ou encore de ne pas se diviser sur les modalités tant que le principe du RIC n’a pas été instauré et simplement s’assurer de pouvoir les modifier par la suite.

Points de vigilance sur les modalités d’un RIC

RÉFÉRENDUM OBLIGATOIRE OU FACULTATIF

La procédure débouche-t-elle toujours sur un référendum, ou les élus peuvent-ils reprendre la main sur une question et l’éliminer d’office, sans la soumettre à référendum ?

L'INITIATIVE

Est-elle exclusivement citoyenne, ou faut-il l’aval d’un certain nombre d’élus pour pouvoir déclencher un RIC ?
Comment le RIC est déclenché ? Par pétition ? Avec ou sans seuil à atteindre ? Par consultation d’un échantillon tiré au sort ? Par consultations successives d’un nombre croissant de citoyens ?
Ce déclenchement est-il à la portée d’un citoyen sans moyens ?…ou faut-il un très grand nombre de citoyens qui signent en très peu de temps un formulaire complexe, à tel point qu’il faille déléguer la collecte de signatures à des entreprises privées (comme cela se fait en Suisse) pour espérer avoir une chance d’atteindre le seuil de signatures ? 
Qui finance la période de collecte des soutiens ? S’il y a plusieurs acteurs impliqués, dans quelles proportions apportent-ils des fonds ?

LA PORTÉE

Le RIC peut-il porter sur les mêmes sujets que ceux sur lesquels décident le Président, le gouvernement et le parlement ? Concerne-t-il aussi bien la Constitution que les lois organiques, les lois ordinaires ou encore les règlements ? Permet-il, par exemple, d’intervenir sur les nominations à la tête des autorités administratives indépendantes (CSA, commission des comptes de campagne, haute autorité pour la transparence, commission nationale du débat public…) ou cela reste-t-il un domaine réservé au Président ?
Le RIC permet-il de convoquer une assemblée constituante, de modifier la Constitution, de révoquer des élus, d’adopter des traités ou d’en sortir, d’adopter, modifier ou abroger des lois ?
Est-il interdit de pratiquer des RIC sur certains sujets, qui resteraient des domaines réservés aux seuls élus ?
Est-il interdit de lancer un référendum révocatoire contre un élu avant qu’il n’ait exercé son mandat pendant une durée minimale ?
Le RIC permet-il d’intervenir également dans le pouvoir judiciaire, de la même manière que le gouvernement (via les instructions transmises aux procureurs), le parlement (à travers les lois d’amnistie) et le Président (via le dispositif de grâce) ?

LES FILTRES ENTRE L'INITIATIVE ET LA TENUE DU RÉFÉRENDUM

Certaines institutions, telles que le Conseil constitutionnel, peuvent-elles faire obstacle à la tenue d’un RIC ? Dans ce cas-là, comment s’assure-t-on que ces institutions ne sont pas influencées par des représentants d’intérêts particuliers, au détriment de l’intérêt général ?

LE DÉBAT AVANT LE VOTE

Autorise-t-on les entreprises, associations et personnalités qui en ont les moyens à faire des campagnes de publicité pour influencer le vote sur un référendum initié par des citoyens ?
Organise-t-on une campagne référendaire avec les moyens de l’État et un système de remboursement des frais engagés, comme lors des élections ? Fixe-t-on un plafond de dépenses ?
Définit-on des règles de prises de parole dans les médias de masse, notamment en ce qui concerne l’égalité de temps de parole ? Quelle instance contrôle la bonne application de ces règles, comment est-elle composée et de quels pouvoirs de sanction dispose-t-elle ?
Les citoyens doivent-ils recevoir un livret d’informations pour les aider à prendre leur décision sur chacun des votes ? Si oui, qui peut participer à la rédaction de ce livret : le gouvernement (comme en Suisse) ? Les partis politiques ? Un jury de citoyens tirés au sort (comme en Oregon) ?
Les élus peuvent-ils prendre position publiquement sur les sujets soumis à référendum, ou ont-ils comme au Portugal et en Suisse une obligation d’impartialité ?

LA PROCÉDURE DE VOTE

Le vote se fait-il nécessairement sur une seule question à laquelle on répond par « oui » ou « non » ? Peut-il y avoir des choix multiples ?
Le Président, le gouvernement et le parlement peuvent-ils soumettre à l’occasion du même vote un contre-projet ?
Peut-on voter en bureau de vote, sur un ou plusieurs jours ? Peut-on voter par Internet ? Peut-on voter par correspondance ?
Qui peut voter : les électeurs inscrits ? Les habitants stables depuis une certaine durée (incluant donc éventuellement des non-nationaux) ?
Sous quels délais après validation de l’initiative celle-ci est-elle présentée à la population par référendum ? À quelle fréquence organise-t-on ces référendums ? Vote-t-on à une fréquence fixe sur plusieurs questions à la fois, ou organise-t-on un vote à chaque question ?
À quelles conditions un référendum est-il remporté par les initiants : faut-il une majorité simple ? Une majorité qualifiée (3/5e, 2/3…) sur certains sujets ?

LE DEVENIR D'UNE PROPOSITION ADOPTÉE

Quand doit-elle entrer en vigueur au plus tard ?
Sous quels délais peut-on tenter, par un nouveau RIC, de revenir sur la décision ?

LE DEVENIR D'UNE PROPOSITION REJETÉE

À partir de quel délai peut-elle être à nouveau présentée ?

LA PÉRENNITÉ DU DROIT AU RIC

Le droit pour les citoyens de lancer des référendums d’initiative citoyenne (défini dans la Constitution et précisé pour ses modalités dans une loi organique) peut-il être restreint ou supprimé sur décision des élus ? Ou bien est-ce une prérogative réservée aux citoyens, ne pouvant à ce titre être exercée que par RIC ?

 Voir cette autre vidéo de Pierre-Alain Bruchez sur les arnaques qui peuvent se cacher dans les modalités d’un RIC

Livres

 

RIC – Le référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous. Au cœur de la démocratie directe

Écrit par Raul Magni-Berton, professeur à Sciences Po Grenoble, et Clara Egger, professeure assistante de sciences politiques aux Pays Bas. Avec la collaboration d’Ismael Benslimane, Nelly Darbois, Albin Guillaud et Baptiste Pichot. Postface de Steven Lebee, Julien Terrier, Alain Digitivo et les Marcheurs du RIC.
Ce livre propose un panorama complet de l’histoire du RIC. Il analyse les grandes décisions prises à travers lui, décrypte ses principes, ses différentes modalités, ses effets sur les politiques publiques et sur les citoyens.

Les auteurs, spécialistes des systèmes démocratiques contemporains, tirent les enseignements de la pratique du RIC dans différents pays et à diverses époques. Ils expliquent les conditions de sa mise en place concrète, les formes qu’il peut prendre en France, et comment lever les obstacles à son utilisation.

Le référendum d’initiative citoyenne : L’instaurer en France, le préserver en Suisse

Écrit par Pierre-Alain Bruchez, docteur en sciences économiques de l’Université de Lausanne, qui a effectué sa maîtrise à l’Université de Grenoble. Il défend la démocratie sur sa chaîne Démocratie d’abord.


Ce livre propose des pistes pour rendre la France démocratique. Il explique le fonctionnement de la démocratie directe suisse et en tire des enseignements pour la France. Il met aussi en garde contre les dangers qui menacent la démocratie suisse.

Pierre-Alain Bruchez - Le référendum d'initiative citoyenne L'instaurer en France le préserver en Suisse

 

POUR QUE VOTER SERVE ENFIN – Manifeste pour une transition démocratique

Écrit par Clara Egger, politologue candidate à l’élection présidentielle de 2022. Avec la collaboration des bénévoles du mouvement Espoir RIC.

 

Ce livre propose de découvrir en 5 chapitres : les constats d’une citoyenne impuissante à l’action politique, le RIC Constituant comme outil du pouvoir citoyen et projet de société capable de rassembler les citoyens et répartir le pouvoir pour aller vers une fonction présidentielle d’arbitrage, ainsi que le calendrier de la transition démocratique. Vous y découvrirez également l’histoire d’Espoir RIC, ce mouvement unique dans l’histoire de France, dont l’unique objet est l’instauration du RIC constituant.

livre clara egger pour que voter serve enfin manifeste talmastudio

Vidéos 

14:50 – Les Vrais enjeux autour du RIC (extrait du LIVE du Vrai Débat)

L’équipe du Vrai Débat présente Hakim Löwe investi depuis une dizaine d’années pour la cause démocratique.

17:56 – Le RIC – Étapes, types, modalités et avantages

Léo Girod qui milite pour le RIC depuis 10 ans présente le RIC, ses grandes étapes, les différents types de RIC, ses modalités et ses avantages.

20:35 – Le miracle Suisse

Documentaire de France 2 sur les clefs de la démocratie Suisse. Votations et référendums.

22:21 – Le Référendum d’Initiative Citoyenne présenté par Léo GIROD (Aligre FM)

Présentation de l’association Article 3, du CLIC et des avantages du RIC.

1:31:42 – RIC : 2 profs de sciences politiques l’ont étudié – Interview

Interview de Clara Egger et Raul Magni-Berton sur leur livre « Le référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous ». Approfondissements de 3 points : Ne pas se laisser enfumer par un RIC bidon ; Réponses à trois objections au RIC ; Comment introduire le RIC en France ?